De
Victor HAÏM
Mise en scène :
Yves PIGNOT
avec :
Josiane PINSON
Création lumières :
Jean-Claude ROLLAND
Décor :
Anabel BICELLI
coproduction : Théâtre ESSAÏSON / LA BRETELLE OBJECTIVE
L'histoire : Agathe est dactylographe. Elle travaille depuis plusieurs mois sur l’œuvre d’un auteur sans en venir à bout. Après plus de 7 500 pages, de nouveaux manuscrits à dactylographier ne cessent de tomber du ciel. La tâche est impossible mais Agathe s’acharne. Cet argent, elle en a besoin pour offrir des obsèques décentes à son défunt mari, jusqu’alors enfermé entre les quatre planches qui lui servent de bureau. C’est pour lui qu’elle frappe et refrappe sur sa machine jusqu’à en choper des crampes aux doigts. Peut être est-ce aussi pour oublier qu’elle est seule, si seule ! Il y a bien son mort chéri, à qui elle s’adresse lorsqu’elle est sur le point de craquer ; mais ce n’est pas pareil !
Un jour, Agathe se permet de lui téléphoner, à Lui, l’écrivain. Cette voix masculine et vivante lui met du baume au cœur. Elle le trouve gentil. Elle l’appelle une seconde
fois, puis une troisième et une quatrième. Elle ressent à nouveau le désir de séduire et troque sa chemise de nuit grise pour une robe plus fleurie et un peu de maquillage. Mais cet homme,
invisible et omniprésent à la fois, profite de la détresse et de la solitude de cette femme. Agathe, fascinée par son bourreau, semble prête à céder à toutes ses exigences et n’arrive pas à lui
avouer son impossibilité à réaliser sa tâche infernale. Jusqu’au jour où, devant son refus de lui accorder une avance pour le travail déjà effectué, elle craque et voit tout espoir d’enterrer son
mari décemment disparaître.
Un mort chéri, un séducteur pervers, une femme piégée, un cauchemar drôlatique
Un regard pessimiste sur le monde ne génère pas automatiquement une œuvre sinistre. «La femme qui frappe» est une comédie délirante. Tout dépend, sans doute, du patrimoine
génétique de l’auteur.
Depuis que j’écris pour le théâtre, il y a quarante ans environ, je me suis moqué, à ma manière, des hommes de pouvoir, des truqueurs, des gouvernants. Je répugne à me moquer des personnages qui
sont humiliés et offensés. Je me sens de leur côté.
Mais je dois à la lucidité de dire que certains des êtres peu recommandables que j’ai pris pour cibles me ressemblaient aussi beaucoup quelquefois. Il y a peut-être, enfouie au plus profond de
moi, une sorte de sens de l’autocritique qui, grâce à ma façon d’écrire, se mue en autodérision. Je ne suis, dès lors, pas loin de penser que j’ai quelque chose de l’écrivain tortionnaire et
égocentrique qui taraude Agathe !
Mais je me sens parallèlement absorbé parles tourments de cette femme généreuse et pugnace qui perd sa vie à la gagner.
Ai-je inventé un genre qui serait le cauchemar drolatique ? Peut-être ! Il faut en tout cas de véritables virtuoses pour réussir l’alliage de la vérité, de la dérision et de la
folie.
Le metteur en scène Yves Pignot a l’expérience, mais aussi la finesse et la subtilité qui nous aident à rire et à respirer alors que nous sommes plongés dans le chaos de la
formidable Agathe qu’assume Josiane Pinson. Avec quelle bouleversante vérité, avec quelle dérangeante cocasserie, avec cette jubilation communicative que le don de l’actrice
illumine et transcende.
Victor Haïm
Dans « La Quarantaine Rugissante » et « Psycause(s) », je me suis attachée en tant qu’auteur et interprète à tenter de dépeindre les femmes
au plus près de ce qu’elles sont, entre fragilités, passions, carcans, doutes, failles, exigences... et violences parfois.
Aussi, lorsque Victor m’a confié « La femme qui frappe » il m’a paru tout naturel de poursuivre l’étude de portrait de mes contemporaines avec Agathe.
Agathe me touche profondément. Entre dépression et vraie joie de vivre, elle se bat pour sauver l’image qu’elle se fait de la fidélité... y compris « post mortem ». Toute petite face au
pouvoir et à l’argent, c’est une grande dame.
Si elle semble prête à toutes les compromissions, c’est elle pourtant, à sa façon, qui mène le jeu. Elle est drôle. Désespérée. Digne. Charmeuse. « Popu »
Anéantie. Belle et bouleversante dans sa course à la survie.
Agathe est un cadeau.... Et j’ai bien l’intention de relever le défi, galvanisée par la totale confiance de l’auteur.
Josiane Pinson
La cérémonie des extrêmes
Dès que j'ai lu le texte de Victor Haïm, j'ai été, paradoxalement, par rapport à sa cocasserie, submergé par des idées noires !
En effet, de quoi est-il question ? D'une situation tout à fait extême, à la fois extravagante et métaphoriquement recevable. Cette gageure aussi bien que le style de Victor Haïm m'ont séduit.
Agathe, le personnage émouvant et têtu, qu'interprète Josiane Pinson, va au bout d'un pari impossible : dactylographier coûte que coûte, sans une seconde de repos, le manuscrit qui n'en finit jamais (j'ai pensé à Sisyphe) d'un auteur invisible ... et omniprésent.
Si elle ne mène pas à bien cette tâche infernale, agathe ne pourra assurer les obsèques de son mari dont la dépouille attend au moins un cercueil en vrai bois, et une cérémonie digne de ce nom.
J'aime le propos à la fois macabre et délirant. J'aime le combat de cette femme : il faut qu'elle séduise ! Qu'elle convainque ! Elle va finir par insulter et menacer, quitte à jouer sa vie. Mais que vaudrait une vie sans dignité ?
C'est peu dire que ce texte délirant requiert de la comédienne un registre étendu. Josiane Pinson y est plus que brillante ! Elle est évidente.
Inutile avec cette pièce, ce thème, cette actrice, de rechercher l'effet. L'extravagance s'impose, comme le rire et l'émotion. Yves Pignot
Une femme, qui ne sort plus guère de chez elle, tape frénétiquement à la machine des kilomètres d’un texte prétentieux et emphatique. Pour ce travail dont elle ne voit pas la fin, elle fait
pourtant preuve d’application, de courage et même parfois d’enthousiasme. Mais l’auteur, qu’elle n’a que qulquefois au bout du fil, se joue d’elle, la ridiculise, l’humilie même.
Cette fable sur le thème du dominant et du dominé est d’une force exceptionnelle. Josiane Pinson sait décliner avec art les différentes facettes de son personnage tour à tour
drôle, touchant et pathétique, emprunt d’un immense désarroi et d’une profonde humanité.
L’auteur et son interprète frappent fort. Le spectateur d’abord amusé, assiste ensuite médusé et impuissant à une descente aux enfers.
Christian Dumont